Enigma

by Erwan ROUSSEL

Enigma est une machine électromécanique portable servant au chiffrement et au déchiffrement de l'information.


Arthur Scherbius

Elle fut inventée par l'Allemand Arthur Scherbius, reprenant un brevet du Néerlandais Hugo Koch, datant de 1919. Enigma fut utilisée principalement par les Allemands (Die Chiffriermaschine Enigma) pendant la Seconde Guerre mondiale. Le terme Enigma désigne en fait toute une famille de machines, car il en a existé de nombreuses et subtiles variantes, commercialisées en Europe et dans le reste du monde à partir de 1923. Elle fut aussi adoptée par les services militaires et diplomatiques de nombreuses nations.

Germans using Enigma

Enigma chiffre les informations en faisant passer un courant électrique à travers une série de composants. Ce courant est transmis en pressant une lettre sur le clavier ; il traverse un réseau complexe de fils puis allume une lampe qui indique la lettre chiffrée. Le premier composant du réseau est une série de roues adjacentes, appelées « rotors », qui contiennent les fils électriques utilisés pour chiffrer le message. Les rotors tournent, modifiant la configuration complexe du réseau chaque fois qu'une lettre est tapée. Enigma utilise habituellement une autre roue, nommée « réflecteur », et un composant appelé « tableau de connexion », ce qui permet de complexifier encore plus le processus de chiffrement. Enigma est une machine électromécanique, ce qui signifie qu'elle utilise une combinaison de parties mécaniques et électriques. La partie mécanique est composée du clavier, des différents « rotors » arrangés le long d'un axe, et d'un mécanisme entraînant en rotation un ou plusieurs des rotors chaque fois qu'une touche est pressée. Le mécanisme exact varie, mais la forme la plus commune est celle où le rotor du côté droit tourne chaque fois qu'une touche est pressée et où régulièrement les rotors voisins sont déplacés, de manière similaire au fonctionnement d'un odomètre. Le mouvement continu des rotors permet l'obtention de transformations cryptographiques différentes à chaque pression sur une touche. La partie électrique de l'appareil est constituée par une pile reliant les touches du clavier à des lampes. Lorsque l'on appuie sur l'une des touches, l'une des lampes s'allume. Par exemple, lorsqu'un message commence par la séquence ANX…, l'opérateur presse la touche A et la lampe Z pourrait s'allumer ; dans ce cas, Z est la première lettre du texte chiffré. L'opérateur procède alors au chiffrage de la lettre N de la même manière, et ainsi de suite pour les lettres suivantes.

Enigma

Dans le détail, le courant part de la batterie et traverse l'interrupteur à deux positions contrôlées par la touche pressée. Il arrive alors au pupitre de connexions. Ce pupitre, situé sur la face avant de la machine, permet à l'utilisateur de facilement modifier les connexions entre le clavier et le disque d'entrée, afin de modifier l'encodage des touches. Le courant se dirige ensuite vers le disque d'entrée. Il parcourt alors l'assemblage des rotors, suivant la position de chacun de ceux-ci. Il passe ainsi de rotor en rotor, jusqu'à atteindre le réflecteur, qui renvoie le signal jusqu'au disque d'entrée, mais par un autre chemin que celui de l'aller (originalité qui distingue la famille des machines Enigma des autres machines à rotors de l'époque qui ne disposaient pas de réflecteur). Le courant passe enfin par un autre des interrupteurs à deux positions, et allume l'une des lampes, correspondant à l'encodage de la touche pressée. Pour déchiffrer un message, il faut soit disposer d'une machine Enigma absolument identique à celle qui a été utilisée par l'expéditeur pour le chiffrement de ce message, et que cette machine soit réglée de la même façon, soit avoir une connaissance approfondie du fonctionnement extraordinairement complexe de cette machine, ce dont peu de gens étaient capables, même dans la base britannique de Bletchley Park. Par contre, une fois la clef quotidienne d'encodage découverte, tous les messages échangés ce jour-là par le réseau concerné peuvent enfin être très rapidement décryptés.

Le message est formaté de la façon suivante, avant émission :

Les états-majors allemands multiplient les astuces, certains mots ou expressions sont codés, les alphabets et les nombres sont manipulés, les coordonnées topographiques sont transposées. Il arrive que les textes une fois correctement déchiffrés par les services alliés ne soient qu'une suite de lettres sans aucun sens pour qui ne dispose pas des documents de référence, etc. La Wehrmacht emploie un jargon de métier et des abréviations mal connus des spécialistes alliés (les fameux cribs tiennent de la devinette). La situation est aggravée par les erreurs de manipulation et de lecture du morse, la mauvaise qualité de réception des transmissions, l'état de fatigue des personnes impliquées, etc.

Le message chiffré et formaté est alors émis en morse au moyen d'un poste radio.

À l'autre bout du réseau, le destinataire capte le message au moyen d'un autre poste radio. Le message est noté noir sur blanc. Il est remis à un chiffreur dont la machine Enigma est déjà réglée en fonction des mêmes instructions quotidiennes que l'autorité émettrice. Le chiffreur dispose ses rotors sur JCM, frappe TNUFDQ et note le résultat, BGZBGZ. Ensuite, le chiffreur dispose ses rotors sur BGZ. Le texte est déchiffré lettre par lettre, le second chiffreur note à mesure. Cette procédure ne s'applique qu'à l'Enigma standard de la Heer (armée de terre) et de la Luftwaffe. La Kriegsmarine emploie des variantes plus complexes, avec la version M4 de la machine Enigma mise en service le 1er février 1942. Pendant onze mois, les alliés ne réussirent pas à décrypter ces messages. Les chemins de fer, la police et la poste utilisent des modèles plus anciens. L'Abwehr met en œuvre des machines plus évoluées, mais sans tableau de connexions.

Après la guerre, les cryptographes allemands furent interrogés par des spécialistes de la mission TICOM. Les interrogateurs constatèrent que leurs prisonniers savaient qu'Enigma n'était pas incassable et qu'il était possible de déchiffrer certains messages. Ce qui leur semblait inconcevable en revanche, c'est que l'ennemi ait été capable de l'extraordinaire effort requis pour les attaques massives par force brute contre l'ensemble du trafic. Les cryptographes de l'Abwehr, ceux qui avaient utilisé des machines de Lorenz ou brisé les chiffres soviétiques, ne furent pas surpris qu'Enigma ne soit pas hermétique, mais ils ne concevaient pas que les Alliés aient pu disposer de la puissance nécessaire pour la vaincre. L'amiral Doenitz avait reçu l'avis qu'une attaque cryptanalytique massive était le moins crédible des problèmes de sécurité de transmissions.